Cela fait maintenant 5 jours que nous sommes confinés depuis cette date du 17 mars 2020, une date historique dont on reparlera probablement dans les manuels ou sur les sites pour être plus actuel ! Je ne sais pas comment vous vivez cette situation, mais moi, j’ai décidé de la prendre comme une aubaine. Oui, une possibilité de croissance.
Nous nous retrouvons aujourd’hui partout dans le monde, nous les confinés, entre 4 murs plus ou moins grands. Certains ont la chance comme nous de vivre dans une maison où tout le monde a sa chambre et nous avons, en plus un bout de jardin, d’autres sont dans un studio sans accès extérieur. Cela ne doit vraiment pas être évident !
Et en même temps, j’ai envie de te dire c’est peut-être une chance ! Oui, je t’invite à voir les choses différemment. Aujourd’hui, tu es face à toi-même, face à tes angoisses existentielles. Aujourd’hui tu dois te regarder, regarder tes réactions, tes agacements. Aujourd’hui, tu n’as plus de possibilité de t’échapper, de mettre des masques ! Tu es là … avec toi ! Et oui… cela peut être dur, très dur ! Mais cela peut être aussi une vraie chance !
Il y a plus de 20 ans, je suis partie vivre aux USA, à San Francisco avec mon copain anglais de l’époque. C’était à la fin des années 90… il n’y avait pas ou peu d’internet, c’était les tout début des téléphones cellulaires. Le téléphone fixe coûtait une blinde! Je communiquais avec mon amie d’enfance Ariane et mon grand-père (un féru de techno) via fax; il en avait acheté un pour l’occasion!
Je ne connaissais personne, je n’avais pas d’enfants (un bon vecteur social), je n’avais pas de work-permit (je n’étais pas encore américaine). Mon copain (qui avait obtenu son visa avec beaucoup de difficulté) allait au travail tous les jours et je me retrouvais seule toute la journée. Je n’avais pas de voiture à moi (du moins au début). Je vivais à 1h20 en bus de San Francisco dans un quartier (San Rafael – Las Gallinas) où il n’y avait rien ! Pas un commerce… avec aucun moyens de transports collectifs. Au pays de la voiture reine (depuis la conscience écologique et les transports ceux sont bien améliorer dans la Baie)!
Si je voulais faire un tour à San Francisco, je devais l’accompagner pour avoir la voiture, mais je devais aller à 30 au Nord (Sonoma) donc à l’opposé et revenir le chercher… soit 3h30 de voiture sans compter mon escapade à San Francisco!
Bref, je me sentais seule, très très seule. Je détestais ma présence. Je me sentais comme un “lion” en cage. Envie de parler avec quelqu’un, n’importe qui. Je passais mon temps au “rental office” la personne en charge de louer les appartements du complexe où je vivais. Je voyais que je commencais à l’agacer. J’avais besoin, un besoin “maladif”, de parler et partager ma vie, “my misery”… je ne profitais de rien! L’instant présent ? Oublie ! Je n’avais aucune idée de cette notion. Ce dont je me rends compte à la lumière de ce qui se passe aujourd’hui c’est que je vivais, non pas un confinement physique, mais en confinement mental!
J’ai passé de longues, très longues heures à me demander quoi faire de mes journées.
Je sentais mon mal être en moi, mais je n’arrivais pas à mettre des mots dessus. Je sentais mes agitations… mais je n’étais pas “consciente” de ce qui se passait en moi.
J’essayais de lire… mais mon cerveau m’empêcher de me concentrer. Je nettoyais, je rangeais mais je n’avais pas grand chose à faire dans un appartement pour deux jeunes gens de 25 ans! Je me suis réfugiée dans le shopping, mais nos finances n’étaient pas extensibles. Je me plaignais beaucoup, une vraie “victime”. “Toi, au moins, tu as une activité!” ou “Toi tu rencontres du monde durant la journée”.
J’ai erré pendant quelques mois comme ça, j’avais la chance de pouvoir revenir régulièrement à Bordeaux et d’aller rendre visite à la femme du boss de mon copain à New York (un échappatoire!), Claire qui est devenue par la suite une de mes meilleures amies! Je l’appelais régulièrement et elle m’a aidé à prendre mes marques dans ce pays si nouveau pour moi où rien ne ressemblait à ce que je connaissais chez moi!
Malgré tout, les journées étaient très très longues. Tout me paraissait compliqué, inaccessible. Je me faisais une montagne de tout! “Moi ? Travailler ?” impossible… “je n’aurais jamais de visa”. En réalité, je n’avais même pas demandé! “Étudier ? Mais quoi? Et puis comment? Ca coûte cher”! Encore une fois, il faut se replacer dans le contexte, avec pas d’internet et d’info comme aujourd’hui, il fallait tout faire par téléphone ou en face à face, ce qui était beaucoup plus engageant!
Bref, j’avais entendu parler d’une alliance française dans le comté (Marin County) où je vivais. J’ai mis des semaines à regarder le numéro téléphone et à me décider à appeler! Oui, j’ai demandé de l’aide, j’ai “reach out”! Et me voilà invitée à un “Scrabble party” chez “Borders” la librairie du coin avec 3 dames respectivement âgées de 40, 50 et 60 ans! Au départ je me demandais vraiment ce que je foutais là! D’autant plus que je me prenais des taules à toutes les parties; elles étaient redoutables! Avec le temps, leur amitié, leur amour maternel et leur confiance, j’y ai pris de plus en plus goût et j’ai pris confiance!
Je me suis inscrite au YMCA (club de sport) du coin je pouvais y aller à pied (26 minutes quand même c’est grand les USA!), j’y allais tous les jours de la semaine! J’y ai rencontré Aurélie, devenue aussi, une autre de mes meilleures amies. A l’époque, j’y allais pour avoir un beau corps, ce dont je ne me rendais pas compte, c’est que cela me faisait du bien surtout à la tête! Je n’avais aucune conscience que le sport et l’activité physique pouvait surtout nous apporter plus de bien être et de la santé mentale.
J’ai croisé un peu plus tard dans ma résidence, un couple de “Gay” français Jean-Louis et Nicolas, puis Anna une anglaise mariée avec un français. Avec Anna, j’ai eu le déclic d’aller étudier, c’est elle qui m’a inspiré à sortir de mon trou et d’aller croître et apprendre. Je ne demandais que cela.
Ce que j’essaye de vous dire c’est que cette expérience de “confinement” (qui était plutôt un confinement mental) m’a aidé à mieux me connaître. On peut choisir de fuir, d’aller sur Netflix, de parler avec les amis sur Whatswapp, de jouer à la console, de fuir les discussions, les vrais sujets… mais on peut aussi accepter l’inconfort, le regarder et le transformer. On peut aussi imaginer une autre vie, une autre version de soi.
Mon expérience de San Francisco, m’a aidé à trouver la force de sortir de ma coquille, à demander de l’aide. Elle m’a aidé à me voir telle que j’étais et par la suite à apprécier et avoir de la gratitude pour toutes les sorties, les cours au College Marin, les hikes dans les séquoias géants, passer sur le GoldenGate avec mon Toyota Corolla (j’ai pu m’acheter ma voiture!).
Il y a quelques semaines, je suis retournée aux USA à San Francisco et j’ai vu cette ville avec un nouvel oeil avec mon mari Boris. J’ai vu tout le chemin parcouru et je peux vous dire que j’étais plutôt fière de moi! Merci le “confinement” et surtout merci Jojo, Gabrielle, Claire, Aurélie, Jean-Louis, Nicolas et Anna et toutes les personnes que j’ai pu croiser pendant cette aventure de deux ans en Californie, de m’avoir aidé à être une meilleure version de moi-même!